L'inventeur du mur
Il était une fois, il y a bien trop longtemps, les hommes vivaient dans des cavernes.
Protégé du vent, des précipitations et des animaux sauvages, un petit garçon grandit dans l’insouciance et la sécurité. Les murs hauts et infranchissables l’émerveillaient et le calmaient. Il courait le matin jouer dehors, et courait le soir tombant pour retrouver son foyer.
Mais un jour, sa tribu dut partir. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il se retrouva avec sa famille et des autres dans la savane, perdus et sans caverne. Les nuits étaient froides et venteuses, et les protections qu’ils avaient étaient dérisoires par rapport aux parois dures et hautes de leur grotte.
En grandissant, il se promit de trouver comment faire un mur haut et fort comme celui d’une grotte, pour bénir chacun de la protection d’une paroi dure et rassurante.
Les tentes en toile, les murs en branches, ce n’était pas assez pour lui. Il voulait du vrai, de l’incassable, du solide !
Remarquant des enfants jouant avec du sable, il eut l’idée de faire d’aligner des monticules en ligne droite : il suffisait de les faire assez haut, et c’était bon ?
Mais le sable était trop mou, alors il utilisa de la terre. Il prépara d’abord un petit muret, mais ce n’était pas assez : quand il pleuvait, la terre se mouillait et se désagrégeait. Quand il faisait soleil, la pierre se craquelait et s’effritait.
Pendant de longues années, il chercha sans cesse une solution au problème du mur. Tout le monde dans sa tribu se moquait de lui, car il passait son temps à faire des petites structures qui s’écroulaient toujours !
Un jour d’échec de frustration, il voulut tout jeter. Il saisit ce qui était sur son établi, le jeta, et voulut plus y penser.
Quelques jours plus tard, notre héros passa par l’endroit où il avait jeté sa mixture. Quelle ne fut pas sa surprise quand il réalisa qu’il y avait morceau bien dur et bien solide !
En effet, il avait jeté sa terre dans l’herbe, s’était écoulée et avait séché autour des plantes. Il arracha une pièce et jugea de sa qualité et de sa dureté.
Alors, des jours entiers il alla ramasser de l’herbe et du foin. Les gens le crurent fou : « avant c’était la terre et l’eau, maintenant c’est l’herbe ! », disaient-il.
Sur un mur en bois, il plaqua son mélange de façon à enduire toute sa surface. Il ramassa tant d’eau, de terre et d’herbes que tout le village se réunit pour savoir ce qu’il faisait.
Son grand-oeuvre était enfin achevée : des murs durs autour de lui, en U comme une caverne, avec un feu juste devant. Il se sentait enfin chez lui, en sécurité et protégé des vents.
Subitement, la maladie l’emporta, et il mourut chez lui.
Mais la maison était sans toit, et les larmes de la veuve ne le mouillèrent pas autant que la pluie.