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Le lire des mystères : Chapitre 19

Chapitre 19 : À l'école des soricers

- Allez Célya, debout ! Il faut qu'on y aille.

-Grrrbbbblllll

- Allez flemmarde DEBOUT !!!! répéta Ly-Anne en tirant d'un coup sec sur la couverture sous laquelle s'était cachée son amie .

Roulée en boule, mais n'ayant plus rien pour se dissimuler, la jolie rousse ouvrit péniblement un œil. La première nuit entre les murs de l'Académie avait été courte, sans doute un peu trop pour elle. Il avait fallu s'habituer à une nouvelle chambre, un nouveau lit et surtout au fait d'avoir une colocataire ! S'asseyant en tailleur, la jeune fille s'étira de tout son long en laissant échapper un long baîllemment sonore. S'écroulant plus ou moins hors de son lit, elle traîna des pieds jusqu'à la salle de bain où elle s'aspergea le visage d'eau froide. En plus de lui éclaircir les idées, ce geste lui fit, lentement, revenir en mémoire les événements de la veille...

... Après s'être installés, tous les Première Année avaient reçu en grande cérémonie leur emloi du temps puis avaient été conviés à un déjeuner pique-nique dans les jardins de l'Académie. L'ambiance avait été joyeuse, conviviale. Célya, Ly-Anne et Oswald avaient fait connaissance avec une partie de leurs camarades et, la jeune fille avait été frappée par un détail : leurs origines.

Tous venaient des quatre coins d'Alynéa et leurs parents respectifs représentaient tous les corps de métiers. La plus grande majorité néanmoins habitait près de la Cité de Paraphe. Dans ce joyeux moment, il n'y avait eu qu'une seule ombre au tableau : Marika. La belle brune, dès lors qu'elle avait ouvert la bouche, avait monopolisé l'attention en étalant à haute voix la longue liste des privilèges qui lui étaient attribués en tant qu'Elue de la Prophétie. Célya et les autres avaient ainsi appris qu'elle disposait d'une chambre individuelle avec une domestique particulière attachée à son service.

- Et en plus, avait-elle pompeusement ajouté, j'aurai trois heures de cours particulier avec le Seigneur Rififi en personne afin de me préparer au mieux à combattre le Mal quand il essayera d'envahir notre beau pays.

- Et cela ne t'inquiète pas ? questionna une fille maigrelette qui semblait nager dans ses robes.

- Non, mes pouvoirs magiques sont déjà très puissants. Et, nul doute qu'il sera heureux de travailler avec une élève telle que moi. Après tout, qui ne serait pas honoré d'entraîner l'Elue de la Prophétie ?

Tandis que tout un groupe battait des cils suite à cette tirade, Oswald ne put s'empêcher d'ajouter :

- La Magie protège ce pauvre homme, je ne suis pas certain qu'il tienne plus de deux semaines.

- Qu'as-tu dit, paysan ? cracha Marika en direction du jeune homme.

- Que le Seigneur Rififi risquait d'être ébloui par tant de talent et de modestie, ironisa le garçon, ce qui lui valut un regard venimeux de la part de la jolie brune.

- Tu vas te faire une ennemie, prévint Ly-Anne en fronçant les sourcils. Et je ne suis pas certaine que ce soit le genre de personne à se mettre à dos.

- Je m'en fiche, rétorqua Oswald. Cette fille est mauvaise de toute façon. On dirait une vipère.

- Une quoi ?

- C'est un serpent de part chez nous. C'est un nuisible, une bestiole qui propage les maladies et qui est dangereuse pour les hommes comme pour les bêtes. On apprend tout petit à les tuer et à les écorcher. Il n'y a que de leur peau dont on peut faire quelque chose.

- La description lui va à ravir, ajouta Célya en saisissant une part de tarte.

Tout en grignotant, la jolie rousse laissa son regard se promener sur les bâtiments derrière elle. Sans trop savoir pourquoi, il fut attiré par une large fenêtre donnant sur un vaste balcon.

- Ce sont les appartements de Maître Archibald, expliqua Oswald en suivant la direction du regard de Célya. Nous avons eu de la chance de l'apercevoir; il vit reclus là-haut depuis des années.

- Je me demande bien pourquoi, avoua Ly-Anne.

- Moi aussi, ajouta Célya.

- Il n' y a bien que les paysans pour ne pas savoir, ricana Marika. Moi qui aie grandi au château, je sais pourquoi Maître...

- Économise ta salive, je m'en voudrais que tu te déshydrates en éclairant ma lanterne, la coupa Oswald en agitant une main.

Devant la brunette apparut alors une simple verre rempli d'eau. Marika, de rage, envoya valser le gobelet. Ces trois-là allaient payer leur arrogance à son égard, d'une façon ou d'une autre.

Dissimulé par un pan de rideau, Archibald observait le groupe qui déjeunait sur l'herbe. Toutes ses pensées se dirigeait vers la petite Célya. Se détournant, il retourna à son immense bureau. Une fois assis dans son ample fauteuil, il saisit sa baguette et la tendit vers l'une des décorations qui ornait le vénérable meuble. Aussitôt un tiroir, dissimulé par un sort, fit son apparition. A l'intérieur se trouvait une lettre couverte d'une écriture féminine : il s'agissait d'une lettre de recommandation adressée par une Sorcière de la Rune, celle de la région de Trykéa.

La jeune femme y expliquait en substance qu'elle avait découvert une petite fille possédant une Rune exceptionnelle et que, pour le bien commun, elle devrait à tout prix intégrer l'Académie. Au départ, Archibald n'avait pas pensé accéder à cette requête mais, mu par son instinct, il avait convoqué la Sorcière à Paraphe. Elle lui avait alors révélé la couleur de la Rune de Célya. Archibald n'avait alors plus eu de doutes.

- Puissent les Dieux et la Magie m'aider à la former au mieux, soupira le vieil homme, inquiet...

- Allez Célya, plus vite !!! Il ne va plus rien y avoir à manger !

La jolie rousse sursauta violemment : elle était si absorbée dans ses pensées qu'elle avait perdu la notion du temps. Séchant son visage, passant un rapide coup de brosse dans ses cheveux, la jeune fille tendit ses mains devant elle en prononçant une formule : sa simple tenue de nuit disparut au profit de ses robes d'étudiante. Cela la fit sourire : au moins, elle n'avait pas de souci avec les sorts simples. En cas de combat, elle ne mourrait pas toute nue, c'était une chouette et maigre consolation.

- Je vais y aller toute seule ! gronda une voix derrière la porte.

- Me voilà.

- Ouf, j'ai failli attendre, plaisanta Ly-Anne. Allez, dépêchons-nous.

Les deux amies remontèrent un couloir avant de descendre un escalier menant au rez-de-chaussée. A cette heure matinale, l'Académie ressemblait à une immense fourmilière colorée dont tous les éléments convergeaient vers un seul et même lieu, le réfectoire. La pièce était immense, claire et haute de plafond. Partout étaient installées des tables plus ou moins longues et, contre le mur du fond près d'une immense fresque représentant le pays d'Alynéa, se trouvait la section réservée aux professeurs. Célya et Ly-Anne se frayèrent un chemin jusqu'à une queue qui serpentait près d'une fenêtre.

- On note pour les jours à venir : au-delà de 8 heures, c'est compliqué de venir petit déjeuner, dit Ly-Anne en se dévissant le coup pour essayer de compter le nombre d'élèves qui attendaient avant elles.

- Regarde toutes ces couleurs, s'amuse Célya. On se croirait dans un grand champ au printemps.

Sans trop savoir pourquoi, cette idée de couleur lui apportait un certain apaisement.

Si les cours étaient séparés, les repas se faisaient en commun. Pour preuve, devant les deux copines se trouvait une grande sorcière absorbée dans la lecture d'un vieil ouvrage qui tenait en lévitation devant ses yeux. Ses robes étaient retenues à la taille par une ceinture de soie indigo brodée d'étoiles et de constellations.

- Une Sixième Année option astronomie, décoda la blonde apprentie sorcière.

Tout en devisant, les filles finirent par accéder à l'immense buffet recouvert de victuailles diverses et variées. Après quelques hésitations, elles prirent chocolat chaud, petits pains dorés et un petit échantillon d'une spécialité propre à Paraphe : de la confiture. Puis, les deux copines se faufilèrent entre les tables bondées en quête de deux places. Elles désespéraient de pouvoir s'asseoir ensemble quand une main fit de grands signes dans leur direction. Il s'agissait d'Oswald. Le garçon avait réussi à trouver de la place prés du mur du fond.

- J'ai cru que vous faisiez la grasse matinée les filles, plaisanta le jeune homme en mordant dans une tartine. Il a fallu que j'ensorcèle deux chaises pour vous garder des places.

- On fera mieux demain, il faut dire qu'il y a une marmotte dans le groupe.

- Si c'est comme ça tous les jours et à tous les repas, on va être obèse avant la fin du premier trimestre, railla Célya, sans relever l'allusion qui lui était destinée.

- Nous ne sommes pas tous obligés de nous empiffrer comme des gorets, commenta une voix acide.

La jolie rousse ne prit même pas la peine de se demander qui pouvait être à l'origine de cette remarque.

- Et tu n'as pas besoin de te forcer à être mauvaise, on a déjà tous compris que c'était une seconde nature chez toi.

Un court silence suivit ce bref échange. Marika étrécit les yeux : il fallait d'urgence que cette peste rentre dans le rang. S'écartant, la jeune femme partit s'asseoir à une table joliment décorée. D'un vague signe de tête, elle accorda le privilège à quatre autres filles, qui faillirent pleurer de joie, de se joindre à elle.

- L'Elue a aussi des privilèges au réfectoire, soupira Oswald. Pauvre petite sorcière, incapable de se trouver une table elle-même.

- Tu n'as pas l'air de beaucoup l'apprécier, dit Célya en attaquant son petit-déjeuner.

- Par chez moi, on a eu affaire avec les nobles familles de l'entourage de Roi. Personne n'en a gardé de bons souvenirs. Mieux vaut être pauvre mais libre de ses choix.

Les deux filles acquiescèrent. Soudain, un carillon clair résonna dans la grande salle. Comme un seul homme, tous les Deuxième et Troisième Années se levèrent pour quitter leurs tables.

- Je crois que les cours vont commencer, dit Oswald. On ferait bien d'aller chercher nos affaires de cour nous aussi.

Les trois amis quittèrent à leur tour leurs places pour retourner vers leurs chambres. Comme ils dépassaient la table de l'Elue, Célya trébucha pour s'écraser au sol sans aucune dignité. Elle sentit ensuite quelque chose de chaud dans son dos.

- La paysanne est à sa place... Tout près du sol...

Les amies de Marika ricanèrent sottement à la remarque de la jeune femme.

- J'ai même rajouté la couleur purin pour faire plus authentique.

- Et tu te crois intelligente en agissant comme ça ? lança Ly-Anne en direction de la belle brune.

- Il serait bon que ceux de votre espèce se souviennent qu'il n'ont rien à faire ici, cracha Marika. Allez venez !

Le petit groupe se détourna laissant les deux amies seules au milieu des étudiants restants qui ne portèrent que peu d'intérêt à l'altercation.

- Ça va ?

- Je m'en remettrai, dit Célya en murmurant un sort pour faire disparaître la tâche de son vêtement. On ne m'impressionne pas si facilement.

- J'ai l'impression que tu t'es fait une ennemie en la personne de Marika, avoua la blonde sorcière.

- Et je me demande bien pourquoi; je ne lui ai rien fait, c'est l'Elue de la Prophétie : qu'elle vive sa quête dans son coin. Moi, je suis venue ici pour résoudre mes problèmes.

- Et on risque d'en avoir de nouveaux si nous ne sommes pas en cours dans quelques minutes.

Célya et Ly-Anne gagnèrent leur chambre au pas de course. Se saisissant de leurs livres de cours et autres parchemins, elles repartirent en courant dans l'autre sens, dans des couloirs de plus en plus désert.

- Je viens de réaliser que je ne sais même pas où nous avons cours, lança la belle rousse essoufflée.

- Salle basse, répondit l'autre sorcière. C'est au premier étage je crois.

- Tu crois ?

- Attends, je regarde.

Tout en remontant en courant un long couloir percé de nombreuses fenêtres, Ly-Anne tira de sa poche un papier froissé : leur emploi du temps !

- Ce doit être par là, dit Ly-Anne essoufflée en désignant une porte.

- Espérons...

Les deux filles eurent le temps de rentrer dans une grande salle voûtée avant qu'une jeune femme longiligne à l'habit strict des professeurs ne commence à fermer la porte. Elle jeta un regard réprobateur aux deux retardataires qui filèrent s'asseoir à la table la plus au fond de la salle de classe sous le regard goguenard de Marika, assise bien droite au premier rang sur un banc agrémenté d'un somptueux coussin.

- Presque en retard pour la deuxième fois de la matinée, vous m'impressionnez les filles, plaisanta Oswald à mi-voix.

Ly-Anne ne put réprimer un sourire tandis que Célya lui tira la langue comme une gamine. Une légère quinte de toux vint interrompre leur conciliabule.

- Commençons. Je suis Glyphe. Je serai votre professeur de sortilèges pour les deux années à venir. Ici, vous apprendrez à utiliser l'art subtil de la magie, au moins ses bases. Vous apprendrez à jeter vos premiers sorts. Puis, nous complexifierons en fonction de votre niveau de maîtrise et de la couleur de vos Runes.

Célya se redressa : ce cours était prometteur et l'aiderait sans doute à vaincre ses problèmes.

Et bien, allons-y ! Faisons un peu de Magie. Chacun d'entre vous va utiliser ses pouvoirs pour lancer un sort de son choix. Cela me donnera ainsi une idée de votre niveau de départ.

Célya sentit aussitôt l'angoisse lui nouer le ventre : elle n'avait jamais réussi à lancer le moindre sort un peu complexe. Et il y avait tant de monde autour d'elle. Si jamais les choses se passaient mal, comme d'habitude, elle pourrait blesser quelqu'un.

- N'ayez aucune crainte, ajouta leur professeur. La salle de classe est protégée par un champ d'énergie capable d'absorber la magie.

Un à un, tous les élèves de la classe se soumirent à l'exercice avec succès. Certains des camarades de Célya étaient déjà capables de lancer de beaux sorts; Marika se contenta d'en faire des tonnes en créant un sort de flammes très impressionnant. Quand vint le tour de Oswald, ce dernier utilisa sa baguette pour faire apparaître des feuilles. Puis, il créa un courant d'air qui les fit aller d'un bout à l'autre de la pièce. À chaque sort réussi, Glyphe opinait en prenant des notes dans un large cahier.

- A ton tour Célya.

La jeune fille se figea. C'était son tour. Inspirant pour essayer de calmer le tremblement naissant de ses mains, la jeune fille entreprit de formuler un sort basique. Choisissant avec soin les mots de pouvoir qu'elle connaissait, elle entreprit de les mêler afin de faire simplement apparaître de l'eau. Une fois sûre d'elle, elle lança son sort. Au bout de longues secondes, il devint évident que son sort ne fonctionnait pas.

- Merci Célya. Suivant !

La jeune fille baissa les yeux, soucieuse de cacher sa honte. Un seul bruit parvint à ses oreilles : le rire de Marika. Au premier rang, la major de promotion n'avait pu retenir un bref ricanement, ce qui lui avait valu un regard réprobateur de la part de son professeur : sa "rivale" ne savait même pas lancer un sort. Elle n'avait décidément rien à craindre d'elle.

Le reste du cours se passa dans un quasi-indifférence pour la jolie rousse. Elle était dépitée : qu'allait - on faire d'elle ici si elle était incapable de manipuler la Magie ? Absente, elle nota néanmoins avec application toutes les notions expliquées pendant la leçon, espérant qu'ils lui seraient utiles, un jour.

La cloche annonçant la fin des cours résonna comme une libération pour Célya. Rassemblant ses affaires, elle espérait filer en toute discrétion quand Glyphe l'appela :

- Célya, peux-tu rester un instant s'il te plaît ?

La jeune femme se figea.

- On t'attend dehors, murmura Ly-Anne en lui serrant la main.

Elle la remercia d'un sourire. La salle se vida de ses élèves et Célya se retrouva seule avec son professeur.

- Approche Célya.

L'apprentie sorcière vint se placer face à son professeur.

- Je voulais te rassurer, ce qui t'est arrivé tout à l'heure est très fréquent. La Magie est un art capricieux. Tu étais très inquiète, cela se sentait et cela peut suffire à perturber tes pouvoirs. Fais toi confiance et les choses rentreront dans l'ordre. Je suis là pour t'aider.

- Merci Seigneur, répondit Célya d'une voix timide. Je suis venue ici pour apprendre.

- Alors, nous trouverons toujours un moyen de t'aider, sois-en certaine. Va maintenant !

Remerciant son enseignante d'un signe de tête, Célya quitta la salle de classe un peu rassérénée. Ce n'était que le premier cours, elle se savait capable d'y arriver. Comme elle faisait part de ses angoisses à ses amis, Oswald lui dit en lui serrant affectueusement l'épaule :

- Et tu n'es pas seule, nous aussi on sera là pour t'aider.

Le petit groupe prit le chemin de l'une des terrasses où se déroulerait leur premier cours d'histoire de l'astronomie, Célya avec le coeur un peu plus léger.

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Au loin, dans la caverne, les Yeux avaient suivi avec attention la première tentative désastreuse de la jeune sorcière. Un rictus mauvais barrait son visage :

- Rien ne fonctionnera pour toi de cette façon, chère enfant. Alors, tu te tourneras vers moi.

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