Le livres des mystères : Chapitre 17
- Nadège Chipdel
- 8 mai 2017
- 9 min de lecture

Chapitre 18 : Maître Archibald
"Les Première Année remontèrent une allée recouverte de graviers blancs. De chaque côté, le chemin était bordé de pelouses soigneusement entretenues. Célya, Ly-Anne et Oswald étaient comme leurs camarades occupés à admirer le paysage qui s'offrait à eux quand une voix résonna dans le silence environnant : - Chers enfants, soyez les bienvenus. Face au groupe se tenait un très vieil homme. Vêtu de robes blanches brodées d'or, ses mains comme son visage étaient ridés par le temps; mais, il se dégageait de lui une telle puissance magique que l'identité du chétif vieillard ne fit rapidement plus aucun doute. - C'est lui ! C'est Maître Archibald.
Même Célya dans on village reculé avait entendu parler du prestigieux directeur de l'Académie. Sa réputation disait qu'il était le plus puissant sorcier de tous les temps; sa mère, qui l'avait croisé pendant ses études, lui avait dit qu'il était aussi un homme bon et généreux. Le voir était un privilège car on disait qu'il vivait reclus depuis des années, à tel point que certains le croyait mort depuis longtemps.
Archibald, le dos bien droit en dépit des douleurs lancinantes qu'il ressentait dans tout son corps,, posa un regard affectueux sur les quarante adolescents maintenant sous sa charge. Il sourit sous sa barbe : les années passaient et se ressemblaient; tous avaient l'air passablement effrayés par ce qui les attendait. Enfin, tous sauf une : la brunette qui menait le groupe et dont l'arrogance irradiait à un bon kilomètre à la ronde, ce qui déplut au vieux directeur. Il n'était que trop bien placé pour savoir que l'arrogance était un voile obscur sur la clairvoyance... Et que les sorciers qui empruntaient cette voix étaient une source de danger.
Comme le voulait la tradition, c'était au major de promotion d'introduire ses camarades auprès de Maître Archibald et, il ne fut guère ravi de la voir s'avancer de quelques pas avant de s'incliner très bas.
- Maître, c'est pour nous un honneur de vous rencontrer. je suis...
- Je sais qui vous êtes, Marika El'Sheena.
La jeune femme eut un bref mouvement de surprise.
- Et je connais également chacun d'entre vous, ajouta-t-il d'une voix plus douce. Je suis Archibald, directeur de l'Académie de Magie de Paraphe. Sachez que c'est pour moi, ainsi que pour l'ensemble des professeurs, une joie de vous accueillir ici. Derrière ses murs, vous ne serez plus ni fils et filles de grands de ce monde comme vous ne serez plus enfants des plus humbles. Derrière ces murs, seuls vos mérites, vos efforts et votre travail seront pris en compte. Vous êtes ici pour devenir sorciers. Mais, n'oubliez jamais que le pouvoir ne va pas sans la responsabilité et que l'arrogance ne permet jamais à la Magie de se transcender.
- Un petit message discret pour notre amie Marika ? plaisanta Oswald à mi-voix.
- Je sais que certains se sentent seuls, loin de leurs proches; sachez qu'ici, vous ne l'êtes pas et que vous apprendrez à devenir une famille... Même si il y a des disputes dans toutes les familles...
Un rire léger parcourut l'assistance. Célya cherchait à mieux voir le vieil homme, ce qui n'était pas simple de là où elle se trouvait : elle ne s'expliquait pas pourquoi elle le trouvait d'emblée si sympathique. Soudain, son regard fut accroché par le vénérable directeur.
Alors qu'il faisait son discours de rentrée, Archiblad sentit quelque chose venir titiller sa magie. Tandis qu'il parlait, il laissa ses pouvoirs se diriger vers le groupe d'étudiants face à lui. Aux premiers signes qu'il ressentait, il était à peu près sûr que cela signifiait qu'une signature magique très puissante se cachait là. Et soudain, son regard fut accroché par deux grands yeux vert.
Plissant les yeux pour essayer de mieux la distinguer, il discerna une jeune femme rousse, dissimulée par le groupe. Mais, lorsque Archibald rencontra les pouvoirs de cette jeune fille, il dut faire appel à toute sa maîtrise pour ne pas s'interrompre : le pouvoir qui sommeillait en elle était très impressionnant, bien plus que ce qu'il avait rencontré au cours de ces dernières années.
- A présent jeunes gens, je vous laisse aller vous installer et découvrir votre nouveau domaine. N'oubliez jamais que vous êtes ici chez vous. Archibald s'écarta d'un pas, dégageant ainsi la voix vers la somptueuse porte de l'Académie. - J'espère que l'on sera dans la même chambre, murmura Ly-Anne en serrant la main de Célya dans les siennes. Ça a l'air immense j'ai peur de me perdre. Acquiesçant, les deux jeunes femmes poursuivirent leur route. Arrivé à sa hauteur, Archibald tenait à serrer la main de chaque des nouveaux élèves. Quand vint le tour de Célya, celle-ci tendit une main tremblante au vénérable directeur. - Maître. - Jeune Célya.
La jeune femme ne put cacher sa surprise : la légende disait qu'il lui suffisait d'un regard pour tout savoir, a priori, c'était vrai. Quand Archibald saisit entre ses doigts noueux les doigts fins de la jeune femme, sa Rune lui apparut. Archibald ne put s'empêcher de serrer un peu trop fort la main de la jeune fille : c'était donc vrai. Voyant la curiosité s'installer dans le regard de la jeune fille, il se contenta d'ajouter : - Vos dons sont impressionnants, je gage que notre Académie aura beaucoup à vous apporter. - Je l'espère Maître, balbutia Célya. J'ai tant à apprendre.
Archibald inclina la tête puis, il s'adressa à un autre élève. Célya mit un moment à essayer de comprendre ce qu'elle avait ressenti en présence du vieil homme : de la sérénité. Pour la première fois de sa jeune vie, l'apprentie sorcière eut envie de croire tout allait bien se passer et qu'elle allait maîtriser ses pouvoirs. Elle était incapable de savoir d'où lui venait sa confiance en cet homme. Au loin, dans la caverne, les Yeux eux ne pouvaient tolérer la scène qui se déroulait à l'Académie. - Cette Académie ne fera que brider son talent alors que sa magie à juste besoin d'être mise à nue pour exploser. Tu devrais te prosterner devant cette petite, vieillard ignorant ! Si seulement je pouvais me charger de sa formation…
Les rares meubles présents dans la caverne commencèrent à vibrer quand l'air satura de magie. Inspirant, l'Ombre de força au calme. Son heure viendrait, ce n'était plus qu'une question de temps.
Tandis que Célya se précipitait pour rejoindre ses camarades qui avaient continué à avancer, Archibald la regarda s'éloigner. Il n'y avait pas de doute possible : c'était elle dont il attendait la venue. Il faudrait faire preuve de prudence car, même au sein du collège des professeurs, certains ne comprendraient pas pourquoi la magie de la jeune femme n'avait pas été bridée. - Puisse la Magie t'aider à trouver ta place, jeune fille, des jours difficiles t'attendent... Mais, je serai là quand tu en auras besoin, toujours.
Un peu plus loin, les nouveaux étudiants se trouvaient à présent dans l'ombre de l'un des murs de l'Académie et, sans trop savoir pourquoi, le regard de Célya fut attiré par une partie de la façade. Plissant les yeux, elle détailla le mur mais rien de particulier ne distinguait les pierres les une des autres. Pourtant, la future sorcière eut une vague sentiment de malaise assez inexplicable.
Après quelques pas, les Première Année franchirent enfin les portes de leur nouveau domaine. Tous se figèrent comme un seul homme. - Je ne suis pas sûr que deux yeux suffisent à tout regarder, comment Oswald en se dévissant le cou pour admirer l'étendue du vaste plafond, décoré par des constellations, qui dominait le hall d'entrée. - Je crois n'avoir jamais rien vu d'aussi beau, poursuivit Ly-Anne en admirant les hautes fenêtres par lesquelles la lumière se déversait à flot. Célya était muette : comme ses deux nouveaux amis, elle n'avait jamais rien vu de tel de toute sa vie. La grande place de Trykéa aurait tenu dans ce seul hall... Et ce n'était que l'entrée. - C'est magnifique, balbutia-t-elle. - J'espère au moins que les paysans auront eu l'intelligence de s'essuyer les pieds avant d'entrer.
Oswald, Ly-Anne et Célya se retournèrent en entendant ce commentaire peu élogieux. Telle une princesse, Marika se tenait bien droite au milieu de l'entrée, comme si elle revendiquait déjà le lieu comme étant sien. - Et bien, il va falloir t'habituer à l'odeur du grand air de la campagne, camarade, ironisa Oswald, absolument insensible au regard venimeux de la belle brune. Il était fier de ses origines modestes et, il ne comptait pas le moins du monde se laisser impressionner par une fille de la ville, fusse-t-elle l'héritière d'une grande maison. - Et chez moi, une dinde ça reste une dinde.
Outrée, Marika fit volte-face pour toiser Célya méchamment. Elle n'avait jamais porté dans son coeur ces bouseux parvenus qui, parce qu'ils passaient les portes de l'Académie, s'imaginaient devenir de grands sorciers. Père et mère en avaient eu, eux aussi, dans leurs promotions. Ils lui avaient expliqué qu'aucune de ces petites gens n'avaient passé le cap de la première année; ceux-là ne feraient pas exception. Mais, pour une raison qu'elle ignorait, elle haïssait d'emblée cette rouquine. Pour qui se prenait-elle à la fin ? Elle était une El'Sheena, sa famille servait le Roi depuis des générations, elle allait se charger de lui apprendre la politesse. Elle avait vu Maître Archibald lui parler longuement alors que ce dernier ne lui avait adressé qu'un signe de tête poli. Elle était l'Elue de la Prophétie, tous lui devaient le respect.
- Qu'est-ce qu'une paysanne peut savoir de la vie à Paraphe ? Je me demande combien de chèvres tes parents ont dû vendre pour te permettre à tes sandales crottées de salir ce noble hall ?
La remarque de Marika fut suivi d'un court rire de la part d'autres élèves, dont les tenues de belle qualité laissaient à penser qu'ils étaient, comme la jeune femme, issus des nobles familles de la ville. Pour sa part, Célya s'était sentie griffée au coeur par la méchanceté de la remarque : certes, ses parent étaient des gens de modeste extraction, mais ils étaient des gens honnêtes, travailleurs ayant donné à la fille in sens moral solide. Elle n'avait pas à avoir honte de venir de Trykéa. Elle avait déjà acquis une certitude : elle ne pourrait jamais s'entendre avec cette fille. Avant même d'avoir réfléchi aux conséquences, elle lâcha en direction de l'arrogante sorcière :
- Mes parents eux, au moins, ont élevé des chèvres, il ne se sont pas contentés d'attendre le bon vouloir d'une soi-disant prophétie; cette dernière à ce que je vois a fait preuve de générosité…
La remarque de Célya jeta un froid dans le hall. Si Oswald regardait sa camarade avec admiration, un immense sourire barrant son visage, il n'en était rien pour Marika. Serrant les poings, le visage blême, elle ne pouvait tolérer qu'une fille de la campagne lui tienne tête. Dès ce moment, elle se fit une promesse : faire du quotidien de cette Célya un enfer. Elle n'eut pas le temps de lui envoyer une nouvelle pique qu'une voix puissante résonna dans le hall :
- A tous les élèves de Première Année, votre attention.
Le groupe se retourna d'un bloc. Sur un immense tapis séparant les pieds des deux grands escaliers menant aux étages supérieurs se tenait une femme dont les longs cheveux étaient relevés en un chignon strict. Les mains dissimulées dans les amples manches de sa robe de mage, elle posa sur la jeune assemblée un regard strict.
- Je suis Othka, la directrice des études de l'Académie. Ici, seuls vos mérites et votre travail seront pris en compte. Toutes les questions touchant à votre scolarité son gérées par mes aides et moi-même. Mon bureau se trouve dans la Tour Ouest, il est ouvert à toute heure du jour où de la nuit... Ou presque.
La plaisanterie, bien que très moyenne, tira quelques sourires.
- A présent, veuillez suivre le personnel de l'Académie, vous allez gagner vos chambres. Othka se détourna pour laisser les Première Année gagner le bas des escaliers.
- Les demoiselles à droite, les messieurs à gauche.
Une fois séparés, les deux groupes gravirent les marches pour gagner successivement le premier, le deuxième puis le troisième étage. Du haut des marches partait une enfilade de couloirs, tous constellés de portes. - Mettez-vous par deux, expliqua une voix. Quand ce sera fait, une chambre vous sera attribuée. Ly-Anne et Célya ne se posèrent pas la question : toutes deux se rangèrent sagement derrière plusieurs autres binômes. Quand leur tour vînt, une jeune femme leur indiqua une porte à quelques pas. Les deux filles se précipitèrent pour ouvrir la porte. - Que c'est beau ! s'exclama Ly-Anne. Derrière se trouvait une vaste pièce confortablement meublée. Deux grands lits trônaient dans la pièce, entourés de diverses commodes et autres bibliothèques. Non loin d'un des fenêtres se trouvait une table et, une porte au fond de la pièce donnait sur une salle de bain petite mais équipée de toutes les commodités. - Cette seule pièce est aussi grande que tout l'étage de la maison de mes parents, commenta Célya en s'asseyant sur l'un des lits. - Tu crois que Dame Marika saura se satisfaire de ce "luxe" ? plaisanta Ly-Anne. - J'espère que ça lui fera un peu les pieds, répondit l'apprentie sorcière en souriant. Se laissant tomber en arrière, Célya fixa le ciel.
Une nouvelle aventure commençait maintenant.
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