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Le livre des mystère : Chapitre 16

Chapitre 16 : Illusion

Une fois dans sa chambre, Célya plia soigneusement sa jolie robe avant de passer sa chemise de nuit.

Bâillant, elle s'étira avant de se coucher sur son douillet matelas de plume. Fatiguée par cette journée riche en émotions, elle s'endormit instantanément. Soudain, gênée par une troublante sensation de froid, Célya ouvrir les yeux et, elle ne put réprimer sa surprise : elle n'était plus dans sa chambre mais dans une caverne obscure. Se redressant en frissonnant, le jeune fille eut la présence d'esprit de jeter un coup d'œil à ses vêtements.

Soulagée, elle constata qu'elle était vêtue d'une robe et non de son vêtement de nuit. Et c'est en regardant de plus près ladite robe qu'elle se rendit compte d'une anomalie : cette belle robe bleue ne lui appartenait pas. Puis, elle fut saisie par l' ambiance qui régnait dans la caverne : froide, humide et dominée par une pure soif de vengeance. Célya reconnut aussi un autre type de signature magique mais, elle aurait été incapable de dire laquelle, son expérience en la matière étant plus que rudimentaire. En revanche, cette magie lui glaçait le sang et lui donnait envie de fuir à toutes jambes. Sauf que la jeune fille ne pouvait pas : de là où elle se trouvait, Célya ne distinguait aucune sortie.

- Comment vais-je me sortir d'ici ? Souffla-t-elle à voix basse.

Comme par enchantement, une lueur tremblotante apparut à l'horizon. S'armant de courage, la jeune apprentie sorcière remonta l'obscur goulet, essayant d'étouffer la peur qui grandissait en elle. Le sol de la caverne était glissant et Célya faisait tout son possible pour avancer sans trébucher. Arrivée à un carrefour, elle glissa un regard : elle était arrivée à l'entrée d'une grande salle sommairement meublée. Devant elle, une ombre voûtée dissimulait ce qui semblait être un chaudron. La chose semblait marmonner des paroles parfaitement inaudibles de là où elle se trouvait. Célya s'apprêtait à apostropher la créature quand sa petite voix lui intima d'une voix sèche :

- Non ! Surtout pas Célya, nous serions en danger toutes les deux.

- Et que veux-tu que je fasse ? Je suis coincée ici... D'ailleurs, je ne sais même pas où je me trouve.

- Dans un lieu que tu n'as pas à connaître. Il faut que tu retournes auprès des tiens vite, l'avenir en dépend. Vite !

- Y retourner comment ? Je n'ai même pas souhaité venir ici.

- Qui est là ?

Célya se figea. L'ombre avait cessé de s'agiter devant son chaudron, comme si elle avait senti la présence de la jeune sorcière. Et l'aura malfaisante qui émanait d'elle suffit à faire comprendre à la jeune fille qu'elle devait filer coûte que coûte. Détalant sans demander son reste, Célya fila en sens inverse. En dépit de ses efforts, ses pas s'entendaient à des kilomètres à la ronde et, elle avait la nette impression que l'aura maléfique se faisait de plus pressante. Soudain, elle eut l'impression que le sol s'écroulait sous ses pieds alors même que l'ombre décharnée semblait sur le point de la rattraper.

Célya se réveilla en sursaut. Jetant un coup d'oeil par la fenêtre de sa chambre, elle vit que la lune était encore haute dans le ciel. La lueur de l'astre nocturne apaisa ses craintes. Quel était cet endroit ? Et qu'était cette chose effrayante ? En repensant à son aspect décharnée et cadavérique, la jeune fille se mit à trembler. Se recouchant, elle ferma les yeux sachant que le sommeil serait difficile à retrouver.

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Dans la caverne, l'Ombre n'avait pas cherché à poursuivre la jeune intruse. Retournant à son chaudron, elle ne put s'empêcher de commenter avec un sourire mauvais :

- Tu es bien pressée de venir à ma rencontre, petite jeune fille. Ce temps viendra mais pas avant que ta puissance ne soit à son apogée.

Puis, plongeant le regard sur la surface liquide où se dessinait un arbre sec, il ajouta :

- Je n'avais pas besoin d'une preuve supplémentaire pour savoir que tu es celle que j'attends.

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- Allez, debout paresseuse !

Célya marmonna avant de se rouler en boule sous sa couette.

- Célya, nous devons avoir rendu la chambre dans une quinzaine de minutes, tu vas te retrouver à prendre ton petit déjeuner en tenue de nuit et en culotte.

Il n'en fallut pas plus pour que la jeune fille ouvre les yeux. A ses paupières s'accrochait encore le cauchemar de la nuit. Plus encore que l'ombre qu'elle avait aperçue, elle se demandait ce qui lui avait permis de se sortir de ce traquenard. A moins que tout ceci ne soit sorti de son imagination, ce qui était bien probable.

- Célya, je t'aurais prévenue !

Rejetant toutes ces questions d'un mouvement d'épaule, la jeune fille sauta à bas de son lit et mit rapidement sa robe prune préférée. Rangeant ses autres vêtements à la hâte, elle disciplina comme elle put son abondante chevelure avant de sortir précipitamment de la chambre.

- Enfin ! railla Néryne. Je t'ai crue victime d'un mauvais sort. Cela fait plus d'une heure que je t'appelle.

- Pardon, c'est juste que j'ai fit un drôle de rêve et j'ai eu du mal à me rendormir.

- De quoi parlait ce rêve ?

- C'était bizarre, je me souviens vaguement d'une caverne et d'une ombre bizarre.

- Ca ressemble plus à un cauchemar.

- Oui mais je ne me souviens de rien d'autre.

- Et c'est sans doute mieux ainsi. Allez, allons prendre un bon petit déjeuner et finissons ces quelques courses.

Les deux femmes descendirent dans la salle commune où flottait une délicieuse odeur de pain chaud. Célya ouvrit de grands yeux devant la multitude de croissants et autres viennoiseries qui s'étalaient devant elle. Lasse de ne pas savoir quoi choisir, elle décida de prendre un peu de tout et d'accompagner l'avalanche de gourmandises par la spécialité de la maison : le chocolat chaud. Après quoi, toutes deux laissèrent leurs sacs à l'auberge afin de faire un dernier tour de la ville sans être encombrées.

- Pendant que tu dormais, j'ai été jeter un coup d'oeil à la météo et, malheureusement, les nouvelles ne sont pas aussi bonnes que je l'espérais.

- C'est-à-dire ?

- On annonce un fort vent de nord/nord-est dès la fin de la matinée. Chargées comme nous sommes, j'ai peur que cela complique notre trajet de retour. Je pense que nous allons devoir quitter Paraphe plutôt que prévu.

Célya ne put masquer totalement son dépit. Elle avait l'impression qu'il lui restait encore un million de choses à découvrir dans la ville. Imaginant sans peine les sentiments de sa grande fille, Néryne ajouta :

- J'imagine ta déception mais dis-toi que dans quelques semaines, tu seras tous les jours ici. Qu'aimerais-tu faire avant que nous partions ?

- Et bien, dit la jeune fille en jouant nerveusement avec un des plis de sa robe. Je crois que ce qui me tiens le plus à coeur c'est de voir l'Académie.

Néryne sourit largement : elle avait fait la même demande à ses parents l'été avant sa première rentrée. Elle se souvenait encore avoir été impressionnée par les hauts bâtiments.

- Alors, allons-y de ce pas !

Célya et sa mère prirent la direction du quartier ouest de la ville où se trouvait la prestigieuse académie. Tandis qu'elles remontaient une longue avenue, Célya remarqua que peu à peu, les maisons s'espaçaient au profit d'une allée boisée d'arbres sans doute tous centenaires pour le moins. Si les rues de la capitale étaient propres, on aurait pu manger à même les pavés qui recouvraient l'artère menant à l'Académie. Celle-ci montait en pente douce de telle sorte qu'en approchant de la prestigieuse institution, le panorama de la ville en entier apparaissait peu à peu. Comme elle marchait à reculons, Célya distingua peu à peu les différents quartiers de la cité et, elle sentit monter en elle une nouvelle angoisse : Paraphe était encore bien plus grande que ce qu'elle imaginait ! Elle n'eut pas le temps de plus s'appesantir qu'elle ressentit un choc au niveau du dos et qu'elle s'écroula sans aucune dignité.

- Vous ne pouvez pas faire attention ? lança une voix avec mépris. Il faudrait interdire aux paysans de monter à la ville.

- Excusez-moi, monsieur, répondit Célya le rouge aux joues.

Occupée à admirer le paysage, elle avait marché sur une cape et avait failli faire trébucher son propriétaire dont le visage demeurait caché dans les replis d'une immense capuche. Celui-ci tira violemment sur le tissu avant de poursuivre son chemin.

- On devrait aussi interdire la ville aux gens malpolis, ne put s'empêcher de rétorquer la jeune fille, furieuse. D'ailleurs, je...

Célya n'acheva pas sa phrase : en tournant la tête, elle réalisa que le bel ensemble de bâtiments qui se trouvaient devant elle était sans aucun doute la prestigieuse Académie de Magie de Paraphe. La future apprentie sorcière resta sans voix : l'Académie ressemblait plus à un immense château, avec des bâtiments longs auxquels s'ajoutaient de grandes tours et des terrasses. L'ensemble était cerné par un parc immense et des grilles majestueuses. Célya était certaine de n'avoir jamais rien vu d'aussi beau.

- Alors, qu'en penses-tu ? demanda Néryne.

- Maman, c'est magnifique. Encore plus beau que ce que j'imaginais.

Les deux femmes s'approchèrent des grilles, fermées à cette période de l'année. Seuls quatre gardes en livrée royale étaient postés près de l'entrée principale.

- Tu vois, dit Néryne en désignant le bâtiment principal, là il s'agit du réfectoire, je me souviens que l'on y mangeait très bien. Et au-dessus se trouvent certaines salles de classe. Derrière se trouvent le terrain d'entraînement pour les cours de balai et l'arène pour les duels magiques.

- Les duels magiques ?

- Les cours de magie défensive sont obligatoires jusqu'en Quatrième Année.

- Je ne suis pas convaincue que ce soit ma matière préférée, objecta Célya.

- Tu verras. Tous les cours sont utiles, mêmes les plus ennuyeux.

Toutes deux continuèrent à longer les grilles du grand parc mais, il était évident qu'il n'était pas possible d'en voir plus pour le moment; de fait, les deux femmes décidèrent de revenir sur leurs pas pour rejoindre le centre ville. Alors qu'elles discutaient, Célya se tut soudain : elle avait l'impression désagréable d'être observée. Tournant les yeux en tout sens, son regard se figea. Déglutissant avec peine, elle dit à voix basse :

- Maman, regarde, à gauche !

Suivant le regard de sa fille, Néryne eut un sursaut : à une centaine de mètres d'elles se trouvait Edona. Toujours aussi imposante, la soeur aînée de Néryne les toisait avec mépris. Elle était accompagnée par un solide gaillard aux traits épais et rudes et dont le visage était surplombé d'une tignasse épaisse et graisseuse. Célya reconnut son cousin Festyfère. Agé de presque 17 ans maintenant, il était devenu la brute épaisse qui se profilait en lui étant enfant. Quand son regard porcin croisa les yeux de sa cousine, celle-ci ne put réprimer un tremblement au souvenir des mauvais tours que ce dernier lui avait joué. Néryne avait tenu parole : suite à l'affaire de la Sorcière de la Rune, elle n'avait jamais revu sa soeur. Elle avait seulement appris par des relations communes que Festyfère avait trois ans de suite échoué aux tests d'entrée à l'Académie. Furieuse, sa soeur avait demandé à rencontrer la Sorcière de la Rune qui officiait à l'Académie afin de comprendre pourquoi son talentueux fils et sa Rune Rouge avait été recalé. Il s'était avéré que la Rune n'était que Orange et que Festyfère n'avait pas d'aptitude particulière pour la Magie, ce qu'il avait sans doute hérité de sa mère. Edona savait sans doute par ces mêmes relations que Célya avait été admise à l'Académie, son humiliation était complète. Prenant sa fille par les épaules, Néryne lui dit :

- Viens Célya, nous avons des choses plus intéressantes à faire.

Toutes deux se détournèrent pour s'enfoncer dans une petite rue. Au fur et à mesure qu'elle mettait de la distance entre son cousin, sa tante et elle, Célya sentit peu à peu ses mains cesser de trembler. Combien de temps lui faudrait-il pour oublier ce qu'elle avait vécu avec Festyfère et Edona étant enfant ? Elle avait au moins une certitude : ils ne l'approcheraient pas au sein de l'Académie. Néanmoins, cette mauvaise rencontre lui donnait plus que jamais l'envie de fuir la ville.

- Qu'aimerais-tu faire avant que nous partions ?

La jeune fille sursauta : c'était à croire que sa mère avait entendu ses dernières pensées.

- J'aimerais retourner au Cercle.

Acquiesçant, Néryne prit sa fille par la main et, elles poursuivirent leur chemin au travers des rues sinueuses. Une fois arrivées sur la place, la bonne humeur qui y régnait effaça les dernières craintes de l'apprentie sorcière. Elles se rendirent une dernière fois à "La Salamandre Bleue" afin d'emporter leur commande. Hector ne cacha son bonheur de revoir Néryne, Célya ne cacha pas son déplaisir de le revoir. Enervée par ses minauderies, la jeune fille s'excusa et sortit de la boutique. Cherchant à calmer ses nerfs en pelote, son regard tomba sur l'arbre au centre de la place. Célya s'approcha du tronc sec. Posant ses mains, elle lui murmura à voix basse :

- Je suis sûre qu'au plus profond de toi, il reste une étincelle de vie. Bats-toi Vénérable, tu dois être si beau couvert de feuilles.

Tapotant le tronc une dernière fois, la jeune fille se détourna. Elle ne vit pas le tout petit bourgeon poindre sur une des branches.

Rejoignant sa mère, toujours en compagnie de ce cher Hector, Célya dit :

- Je suis prête ! Nous pouvons y aller.

- Très bien ! Hector encore une fois merci pour tout.

- Je t'en prie, tout le plaisir a été pour moi. Et si ta fille ou toi avez besoin de quoi que ce soit, je suis à votre service.

- Ce ne sera pas nécessaire, merci, pesta Célya.

- Tu as dit ?

- Que c'est vraiment gentil !

- Merci mademoiselle, je suis sûr que comme ta maman tu seras une grande sorcière.

- Nous verrons bien; allez Maman, on rentre, Papa va finir par s'inquiéter.

Serrant son ami dans ses bras une dernière fois, Néryne et sa fille gagnèrent l'entrée principale de la ville après avoir récupérer leurs bagages. Là, la mère de Célya fit à nouveau apparaître le balai auquel elle attacha un simple fil de laine relié à l'un des paquets achetés à la ville. Elle expliqua à sa fille que le fil était enchanté et que c'est lui qui aiderait le balai à soutenir le poids de la commande.

Une fois qu'elles eurent pris de l'altitude, Célya se retourna une dernière fois pour admirer la ville qui serait bientôt son foyer. D'où venait la sensation que d'extraordinaires aventures l'attendaient au sein de l'Académie ?

- Celles de toute vie, chère enfant, commenta la Voix sans dissimuler son plaisir.

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