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Le livre des mystère : chapitre 14

Chapitre 14 : ... Paraphe

- Attention ! Néryne fit se poser le balai en douceur. Dès que ses pieds et ceux de Célya eurent touchés le sol, leur moyen de transport redevint une simple canne ouvragée. - Nous y voilà ! Célya leva les yeux vers la majestueuse ville. De là où elle se trouvait, elle ne distinguait pas grand chose; en revanche, les épaisses murailles ne parvenaient pas à étouffer le bruit des rues a priori fort animées à cette heure. Imaginant le nombre de personnes qui se trouvaient à quelques mètres d'elle, la jeune fille fut envahie par un réel sentiment de peur : dans son petit village, tout le monde se connaissait. Là, elle serait une anonyme parmi des centaines d'autres. - Et bien, que fais-tu ? Célya sursauta violemment : perdue dans ses pensées, elle ne s'était pas rendue compte que Néryne se trouvait déjà à hauteur de l'entrée principale. Se ressaisissant, le jeune fille mit de côté ses tracas pour rejoindre sa mère dans la file de ceux qui attendaient de pénétrer dans la cité. Jetant un coup d'oeil, Célya vit que de chaque côté de l'entrée se tenaient deux gardes en armure rutilante, leur lance dressée vers le ciel. Sans même accorder un regard aux deux femmes, les deux sentinelles les laissèrent franchir l'entrée de la ville à la suite de nombreux visiteurs. Et là, elles furent happées par la cohue environnante. Célya ne put réprimer un mouvement de panique : des dizaines de personnes, toutes vêtues de couleurs chatoyantes, parcouraient en tout sens les rues les plus vastes qu'elle avait jamais vues. Un dédale de rues pavées partaient en tout sens, bordées par de belles maisons de pierre ou des boutiques. Partout où portait son regard, elle ne voyait que des bâtiments somptueux dominés par le château du Roi qui se dressait sur la plus haute colline de la ville. Un seul lieu demeurait invisible : l'Académie de Magie. - Viens, ne restons pas là, dit Néryne. Blottie contre sa mère comme lorsqu'elle était enfant, Célya se laissa entraîner par Néryne jusqu'à une petite place bordée de bancs ombragés. Au centre de celle-ci se trouvait une fontaine qui gargouillait gentiment son eau claire et, non loin de là, on trouvait un panneau de bois sur lequel était peint le plan de la ville. Profitant que sa mère regardait le plan de la cité, Célya se dévissa le cou, ne sachant quoi observer en premier. Prenant son courage à deux mains, elle entreprit de faire le tour de la place pour mieux regarder les devantures des magasins. Bijoux, accessoires, même les étals de fruits et légumes avaient comme un petit quelque chose en plus. Mais, un magasin attira plus que les autres son attention : un magasin de robes. Toutes étaient si belles, si ouvragées que Célya sentit son coeur se serrer : elle les voulait toutes. Aussi bien la rose des sables que la vert d'eau. Puis, le regard de la jeune fille tomba sur les étiquettes et, elle ferma les yeux. Il lui faudrait travailler plusieurs années pour avoir une seule de ces tenues magnifiques. Se retournant, elle entendit alors rire dans son dos. Du coin de l'oeil, elle aperçut trois jeunes sorcières de son âge mais, tellement plus sophistiquées. Elles respiraient la modernité et, à voir leur aisance et leurs mises, Célya réalisa combien son petit univers était éloigné de ce que vivaient les filles de la ville. D'ailleurs, elle se sentait frustre dans sa simple robe pourpre. Comprenant qu'elle était sans doute le sujet des moqueries d'une très jolie brune, elle se détourna, les larmes aux yeux, pour revenir en traînant les pieds vers sa mère. Toute la joie de sa visite à Paraphe s'était envolée.

Revenue à hauteur de Néryne, cette dernière ne mit que quelques secondes à comprendre que quelque chose n'allait pas. - Et bien ma grande, que se passe-t-il ? - Rien mais je crois que ce n'était pas une bonne idée de venir en fait. - Et pourquoi ? Tu te faisais une joie de venir pourtant. - Oui c'est vrai mais... Je crois que...Je ne suis pas à ma place en fait. Devant l'air surpris de Néryne, Célya baissa les yeux. Et, le fait d'avoir baisser la tête permit à Néryne de voir le groupe de filles qui minaudaient dans leur direction. Son coeur de mère se serra : si sa fille ne tenait pas le choc maintenant, comment ferait-elle quand elle serait seule à l'Académie ? Il y en aurait des dizaines comme elles. Préférant ne pas s'appesantir, elle préféra secouer le mordant de sa fille : - Ecoute-moi bien jeune fille, ressaisis-toi ! Dans quelques semaines, tu seras toute seule ici et il te faudra être forte ! Qu'ont ces filles de plus que toi ? - Je dirai tout, renifla Célya sans aucune forme de dignité. Elles sont jolies, apprêtées et tu as vu leurs robes ? A côté, je ressemble à une sorcière de poulailler ! - Et tu sais ce que je vois moi ? - Non. - Je vois une sorcière avec un coeur d'or rempli de générosité. Peux-tu en dire autant de ces filles ? - Je ne sais pas. - Moi, voilà ce que je sais de toi. Et, à l'Académie, tu ne seras pas seulement jugée sur tes talents magiques mais aussi sur tes qualités humaines. Et sur ce point, tu es déjà la meilleure de ta promotion.

Puis, prenant sa grande fille par les épaules, elle déposa un baiser rapide sur sa joue en ajoutant : - Allez, nous avons des courses à faire, ne laissons pas trois filles que tu ne reverras peut-être jamais nous gâcher notre week-end. Un peu réconfortée, Célya essuya son nez sur un bout de sa manche. Après tout, sa mère avait raison : rien ne lui prouvait que ces filles seraient élèves comme elle, commencer à faire des tâches sur le grimoire (comme disait l'expression populaire) ne servait à rien. Autant profiter de ces deux journées. - Tu sais où nous allons ? questionna la jeune fille. - Au quartier du Cercle. Devant la moue interrogative de sa fille, Néryne expliqua : - On a donné ce nom au quartier car toutes les boutiques sont en cercle autour d'un arbre si vieux qu' on raconte que sa graine a germé en même temps que naissait le pays d'Alynéa.

Tout à son histoire, mère et fille remontèrent la rue de la Joyeuse Boustifaille, artère célèbre pour ses restaurants tous recommandés par le très réputé guide " Gamelles et Tambouilles". Et il faut dire que si près de l'heure du déjeuner, de délicieuses effluves s'échappaient des nombreuses fenêtres ouvertes. Après avoir slalomé entre de nombreux badauds, les deux femmes arrivèrent sur une place parfaitement circulaire où s'intercalaient dalles blanches et grises. Tout autour on trouvait boutiques de vêtements, librairies et autres magasins d'accessoires magiques. Et au centre se trouvait le fameux arbre. - C'est ça, le fameux arbre ! s'exclama Célya en désignant du pouce la pauvre chose desséchée ballotée par la brise.

- Comme je te le racontait, il est si vieux que plus personne ne se souvient de l'époque où sa graine a germé. Quoiqu'il en soit : bienvenue au Cercle ! s'exclama joyeusement Néryne. La sorcière ne peut réprimer un élan de nostalgie : revenir au Cercle lui rappelait des souvenirs depuis longtemps enfouis dans sa mémoire. Célya , elle, eut du mal à résister à l'envie de se précipiter dans une boutique en particulier : "La baguette magique". L'endroit était réputé dans tout le pays comme le plus grand catalogue de référence en matière de baguettes magiques. - Par quelle boutique souhaites-tu commencer ? s'amusa Néryne. - Par celle-là ! répondit la jeune fille en désignant la boutique à la devanture en bois patiné. Sans plus attendre, les deux femmes pénétrèrent dans le magasin. Aussitôt, Célya fut saisie par l'ambiance feutrée qui régnait dans la boutique, une atmosphère mêlant magie ancienne et odeur de poussière. - Mes Dames, que puis-je pour vous ?

Célya se retourna pour faire face à un petit homme trapu et large comme une barrique. Engoncé dans une costume vert et rapiécé de toute part, Célya eut peur que le brave homme se retrouve juste en vêtement de dessous au moindre pas. Arrivés devant elles, il s'inclina avec déférence. - Maître Baguettier, nous sommes honorées, dit Néryne avec respect. Nous venons quérir votre connaissance pour ma fille. Le petit homme posa un regard incisif sur une Célya qui rougit jusqu'aux oreilles. - Demoiselle, c'est un honneur. Et appelez-moi, Déhanyrès. Si vous voulez bien me suivre, nous allons tâcher de trouver celle qui fera votre bonheur et révèlera tout votre potentiel. Venez !

Ce dernier se détourna et partit d'un pas rapide vers une tenture dissimulant une arrière salle. Néryne et sa fille suivirent et, une fois le rideau franchi, elles se retrouvèrent face à la plus grande collection de baguettes existant au sein du pays d'Alynéa. Partout, du sol au plafond, d'énormes rayonnages courraient le long des murs. Et tous étaient couverts de boîtes semblables à des boîtes à chaussures. Célya ne peut réprimer un frisson en imaginant les pouvoirs réunis dans la pièce. - Voyons voyons, quand êtes-vous née Demoiselle ? - Au printemps, Maître Baguettier. - Nous choisirons donc un bois jeune et tendre; et, vous me semblez pleine de vie. Il nous faut donc un bois qui saura canaliser cette énergie. Disons du frêne ou du bouleau.

Agitant la main, une dizaine de boîtes surgirent des rayonnages pour venir se placer aux côtés du petit homme. Se saisissant de la première, il en sortit l'objet de toutes les convoitises. - Tenez Demoiselle, prenez cette baguette et essayez de lancer un sort. Célya sentit des larmes de joie lui monter aux yeux. Les mains tremblantes, elle se saisit de la baguette, attendant de ressentir cette connexion fabuleuse qu'elle avait lu dans les livres. Elle inspira, ferma les yeux, pensa à une formule et... Rien. Dans le silence qui s'installait, Célya répéta l'opération, deux fois, trois fois, dix fois. Rien ne se produisit. - Donnez Demoiselle, dit le petit homme en reprenant la baguette. Nous allons faire une autre tentative.

Célya réitéra l'expérience avec toutes les autres baguettes, ce fut un échec complet. A la dixième baguette, la petite sorcière était en larmes, noyée dans sa propre humiliation. Elle qui des jours durant s'était imaginée enfin faire de la magie avait maintenant la preuve qu'elle n'avait aucun talent pour ça. - C'est étrange, avoua Déhanyrès. Je suis convaincu de votre potentiel magique sinon vous ne seriez pas une future élève de l' Académie. J'ai sans doute manqué quelque chose. Donnez-moi vos mains.

N'ayant rien à perdre, la jeune fille s'exécuta. Fermant les yeux, le marchand se concentra quelques secondes au bout desquelles il lâcha les mains de Célya. - Bien des choses s'expliquent, murmura ce dernier. Demoiselle j'aimerais pouvoir vous aider mais ma sciences ne peut rien pour vous. La Magie qui est en vous n'a pas besoin de baguette. Néanmoins, je serai toujours là pour vous prodiguer des conseils si vous en avez besoin.

Les deux femmes quittèrent la boutique en silence, Célya le coeur plus meurtri que jamais. Un de ses rêves venait de se briser en morceaux : sa maudite magie n'était pas compatible avec l'utilisation d'une baguette. - Tu ne me sers à rien, cracha Célya d'une voix sourde et acide en direction de sa rune. J'aurais mieux fait de ne pas naître sorcière. - Tu parles de façon inconsidérée, chère enfant, commenta la Voix au-delà de son miroir. Quand tu sauras contrôler cette magie, tu te glorifieras de ta toute puissance. - Écoute Célya, je sais que tu es déçue mais crois-moi une baguette magique n'est pas obligatoire pour pratiquer la magie. Et cela ne fera pas de toi une mauvaise sorcière. - En attendant, c'est moi qui vait être ridicule en cours, pesta la jeune fille. - Car tu penses que tu seras seule dans ce cas ? questionna Néryne. Crois-tu que l'Académie n'envisage pas ce genre de cas ?

La jeune fille prit le temps de digérer cette information qu'elle n'avait pas envisagé; après tout, sa mère avait sans doute raison. Seul dans sa boutique, Déhanyrès regardait ses mains trembler. Il avait mis un long moment à réaliser ce que représentait cette jeune sorcière en devenir. - Dieux de la Magie, protégez-nous.

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