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Le livre des mystère : Chapitre 11

  • Nadège Chipdel
  • 5 avr. 2017
  • 6 min de lecture

Chapitre 11 : La lettre

Célya avait maintenant treize ans. Jolie brin de fille, elle avait pour elle un caractère bien trempé et une ténacité et une détermination à toute épreuve. Seuls ses dons magiques, assez capricieux, venait ternir son moral toujours au beau fixe. En grandissant, Célya avait commencé à accompagner sa mère à son travail et dans ses tournées auprès des malades, ce lui lui avait permis d'acquérir de solides connaissances en botanique.

D'ailleurs, ce matin-là, Néryne avait envoyé sa fille dans le carré des herbes médicinales de leur jardin. Avec le printemps allaient revenir les premières allergies et, assez rapidement, la cabinet croulerait sous les demandes de baumes d'ortie poivrée. La journée promettait d'être claire et sèche et, la température étant déjà douce pour la saison, Néryne avait ouvert en grand la fenêtre de sa cuisine pour profiter de la douceur du jour. Elle était concentrée sur ses préparations quand elle entendit Célya crier.

- Célya, que se passe-t-il ?

- J'ai du courrier Maman !

- Du courrier ? Dis-moi.

La jeune fille entra dans la pièce sans même prendre le temps d'ôter ses chaussures pleines de boue, ce qui lui valut un regard réprobateur, le parquet étant propre du matin. Elle déposa un paquet de lettres sans importance pour ne garder dans sa main qu'une belle enveloppe blanche frappée d'un sceau en argent.

- Regarde comme elle belle ! s'extasia Célya. On dirait que c'est important.

Observant d'un peu plus près la lettre en question, Néryne lâcha l'assiette qu'elle tenait. Son sang se glaça dans ses veines : il était arrivé, ce courrier tant redouté.

- Maman, tout va bien ? s'exclama Célya qui avait sursauté quand l'assiette s'était fracassée au sol.

- Oui ma chérie. C'est juste que le courrier que tu as reçu est très précieux.

- C'est-à-dire ? demanda la jeune fille, soudain tout juste concernée, pour ainsi dire méfiante.

Néryne leva les yeux au ciel : elle avait du mal avec cette merveilleuse période qu'était l'adolescence où il lui semblait qu'elle avait accouchée de jumelles treize ans auparavant, sa fille et sa copie diabolique, capable d'être câline et de claquer toutes les portes en moins de cinq minutes.

- Cette lettre vient de l'Académie de Magie de Paraphe.

Célya ouvrit des yeux ronds : tout le monde connaissait la célèbre Académie de la capitale. Seuls ceux qui deviendraient de grands sorciers étaient admis là-bas, où les enfants de familles prestigieuses. Célya ne s'était jamais considérée comme appartenant à l'un des deux groupes.

- Il doit y avoir une erreur, dit-elle aussitôt. Ce courrier ne peut pas être pour moi.

- Voyons voir, poursuivit Néryne en observant l'enveloppe couverte d'une belle écriture. Célya Mel'hala, village de Trykéa. A ma connaissance, il n'y en a qu'une seule.

- Oui mais... C'est bizarre.

- Qu'est-ce qui est bizarre ?

- Nous ne sommes ni une famille riche, ni très puissante. Papa est Haut Sorcier des Bois et toi la meilleure des sorcières de Guérison de la région. Mais, ça ne suffit pas à gagner son entrée à l'Académie. Je n'ai jamais passé les tests ! Je les aurais ratés, de toute façon, conclut la jeune fille en baissant les yeux.

Célya se savait piètre sorcière, elle se disait incapable de réaliser le moindre sort complexe. Sa dernière tentative avait valu à la clôture des chèvres de finir en cendres et à son père de courir après les bêtes, heureuses de leur liberté retrouvée, de longues heures après le coucher du soleil. Que ferait-elle au sein de la prestigieuse institution ?

- Tu n'en sais rien, dit Néryne en s'approchant de sa grande fille pour la prendre dans ses bras. Et puis, une chose est sûre : nous ne saurons ce que te veut l'Académie qu'une fois que tu auras ouvert cette lettre.

Reniflant sans aucune dignité, Célya opina et se saisit de l'enveloppe qui trônait fièrement sur un coin de la table. Agitant deux doigts, l'enveloppe s'ouvrit délicatement : à l'intérieur se trouvait une simple feuille cartonnée pliée en deux. Célya la déplia et lut lentement, en silence. Arrivée à la fin du texte, la jeune fille ouvrit de grands yeux. Serrant le papier, elle le relut une seconde fois, plus fébrile.

Devant sa fille, Néryne faisait d'énormes efforts pour museler sa curiosité. Et, dans le même temps, elle sentait une lame se ficher dans son coeur, centimètre par centimètre : sans même l'avoir lue, elle devinait aisément ce qu'il y avait dans le courrier. Après un moment qui parut une infinité, elle vit Célya lever les yeux vers elle; l'adolescente lui sembla soudain bien jeune.

- Et bien, que dit-elle, cette lettre ? demanda Néryne, essayant au mieux de dissimuler le tremblement naissant de sa voix.

- C'est ma lettre d'admission à l'Académie de Paraphe, articula Célya, incrédule. Je suis admise en première année à l'Académie.

Célya n'y croyait pas : elle qui avait été prise en grippe par la famille de sa mère presque dès sa naissance, elle qui avait toutes les peines du monde à utiliser ses pouvoirs serait à la rentrée prochaine élève de première année au sein de la plus prestigieuse école de Magie du pays. C'était terrifiant, c'était inattendu, c'était génial.

- Je vais être élève à l'Académie, balbutia la jeune fille avant de pousser un cri de jouer et de se jeter au cou de sa mère.

- Maman, c'est formidable ! Je ne sais pas comment j'ai fait ça mais...

Célya ne finit pas sa phrase en voyant les yeux de sa mère embués de larmes. Aussitôt, son enthousiasme mourut.

- Maman, que se passe-t-il ? J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

- Non ma chérie, non. Je suis si heureuse pour toi. C'est un si grand honneur et une telle fierté. C'est juste qu'il va falloir nous séparer et, qu'à mon goût, cela arrive beaucoup trop vite. Rien de plus.

Célya laissa tomber le courrier pour se réfugier dans les bras de sa maman. Toute la joie de la nouvelle s'était évanouie. Quitter ses parents ? Célya n'y avait même pas pensé, du moins pas avant qu'elle ne soit une sorcière compétente, capable comme sa mère d'aider les autres. Et puis, elle pensait s'installer non loin de Trykéa. Paraphe, la capitale, était si loin. Elle serait seule, loin de ses repères.

- Je ne veux pas y aller, Maman. C'est trop pour moi, je n'en demande pas tant.

- Il le faut Célya, c'est une chance extraordinaire, ce serait une folie de refuser.

- Je ne veux pas vous laisser Papa et toi.

- Tu es admise sans passer les tests. Nombre de jeunes sorciers seraient prêt à tout pour être à ta place. Comme tu le dis si souvent, il faut que tu fonces, ma fille.

Célya ravala ses sanglots : sa mère avait raison. Si elle avait du passer les tests d'admission, elle aurait été recalée. Et même si elle devait quitter l'Académie à l'issue de la première année, elle aurait appris des choses, à commencer par mieux maîtriser ses pouvoirs. Expirant un bon coup, la jeune fille dit d'une voix résolue :

- D'accord, je vais y aller.

- Voilà une sage décision.

Voyant sa fille se dandiner sur place, Néryne eut un sourire avant de lui enfoncer son chapeau sur les yeux.

- Allez jeune fille, file envoyer un message à tes amis.

- C'est vrai ! Je peux ? s'illumina Célya.

- Bien sur. Il serait égoïste de garder pour toi une si belle nouvelle. De toute façon, cela finira bien par se savoir : Trykéa n'est pas assez grand pour qu'une telle nouvelle se perde.

Heureuse, la jeune fille prit la direction de sa chambre sans demander son reste. Elle s'arrêta néanmoins après avoir gravi quelques marches.

- Maman, il y a pourtant une chose que je ne comprends pas.

- Laquelle ma chérie ?

- Comment l'Académie a-t-elle entendu parler de moi ?

- Tu sais, on dit que l'Académie a des yeux et des oreilles partout. Tu as sans doute été repérée sans t'en rendre compte, sur une action anodine.

- Peut-être, dit Célya en haussant ses épaules avant de continuer à monter les escaliers.

Néryne entendit une porte se fermer. Sa fille devait être en train de réfléchir à la manière dont elle allait annoncer la nouvelle à ses amis. Se laissant aller contre la table, Néryne fixa la lettre d'un air absent. De nouveau, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle savait pourquoi sa fille avait été choisie...

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