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Le livre des mystère : Chapitre 5


Chapitre 5 : Dans la cendre


Le directeur ouvrit les yeux et, il fut consterné par la vision de carnage qui s'offrait à lui : là où s'était tenu Rozgor, il ne restait que des ruines fumantes et une tour en partie délabrée.

La violence de l'explosion magique avait fait s'effondrer une partie du bâtiment. A présent qu'il retrouvait l'usage de ses oreilles, il put distinguer de plus en plus clairement des cris qui montaient de toutes parts, tant d'angoisse que de peur et de souffrance. De Rozgor, il ne restait rien; le sort de mort avait fait son travail, sans doute pour le plus grand bien de tous. En revanche, Archibald savait que l'incident ne resterait pas secret et, il allait devoir gérer les conséquences.

Se relevant péniblement, le vieil homme sentit une douleur au côté droit. Baissant les yeux, il accusa le coup : son bouclier ne l'avait que partiellement protégé, il était gravement brûlé au bras et au torse. Sentant la douleur gagner du terrain, il appliqua le plus simple et le plus rapide des sorts de soin; se protéger avait épuisé la plus grande partie de ses forces. Il s'avança sur la terrasse encore fumante pour récupérer son grimoire. Etonnamment, le livre lui n'avait pas souffert. Archibald le serra contre lui et tourna les talons en direction de l'escalier le plus proche pour gagner la cour principale.

Descendant les marches, le directeur de l'Académie fut de plus en plus consterné par le spectacle qui s'offrait à lui : une partie des dortoirs avaient brûlé sous les coups des nombreuses attaques magiques et certains couloirs s'étaient en partie effondrés. Partout régnait un indescriptible chaos : des élèves de toutes les années étaient assis à même le sol, en groupe la plupart du temps, choqués dans leur ensemble.

Des infirmières, des élèves de Septième, de Huitième Année et des cycles supérieurs étaient occupés à soigner les plus jeunes. Le vieux directeur parvenait à peine à comprendre les évènements, tout avait été trop brutal. Il lui semblait qu'une éternité s'était écoulée depuis la prise de son petit déjeuner.

- Maître, je vous en prie, nous avons besoin de vous ! S'il vous plaît !

Le sorcier redressa la tête : Efylia se tenait à ses côtés, les traits marqués par la fatigue. La jeune femme venait de poser une nouvelle attelle et semblait épuisée.

- Depuis quand travaillez-vous ? questionna Archibald, réalisant enfin que ses pas l'avaient emmené dans la cour de l'Académie, transformée en poste avancé.

- Le début de l'attaque, Maître. Par chance, nous avons protégé l'essentiel de nos ressources et, pour ce que j'en sais, nous n'avons aucune perte à déplorer. Enfin, je l'espère.

Archibald n'eut pas le temps de poser de questions supplémentaires : Rififi venait d'arriver en soutenant une élève mal en point. Le Professeur de Magie du Feu était lui-même sérieusement amoché mais, il ne cessait de répéter que le sang de ses ancêtres Nains lui permettait de ne ressentir aucune douleur.

- Nous aurions besoin de l'aide d'un sorcier expérimenté, poursuivit la jeune femme en prenant en charge la jeune sorcière blessée.

Cette remarque eut pour effet de tirer le directeur de son apathie. Efylia avait raison : il aurait bientôt beaucoup de questions auxquelles il devrait apporter des réponses mais, pour le moment, c'est de ses ressources magiques dont on n'avait besoin. Archibald mit de côté la fatigue qu'il ressentait suite à l'affrontement avec Rozgor. Il prit juste le temps de dissimuler son grimoire dans une bulle d'invisibilité; voyant le livre disparaître, il vînt à l'esprit du vieux directeur de détruire l'ouvrage pour de bon.

C'était à cause de lui et des connaissances qu'il contenait que le drame d'aujourd'hui s'était déroulé. La chose pouvait se résoudre en quelques secondes : il suffisait de transformer le sort d'invisibilité en sort de feu et tout serait fini. Archibald réfléchit à une formule et, comme il commençait à prononcer les mots de pouvoir, il s'arrêta. La vérité était bien plus simple : il ne pouvait pas détruire le travail de toute une vie.


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Les jours qui suivirent furent rudes pour un homme de l'âge d'Archibald : il fallut d'abord gérer la venue des soldats et de la milice magique du Roi.

Averti d'un grave incident à l'Académie, le souverain de Paraphe, Scryption Ier, avait exigé que toute la lumière soit faite sur cette tragédie. Par chance, le directeur avait lui-même formé les magiciens qui composaient cette partie de la garde du Roi, il savait qu'ils mèneraient leurs investigations sans se laisser influencer par les voix du Palais qui souhaitaient voir partir Archibald depuis des années. Ces langues acérées devaient se délecter de constater que le vieil homme s'était fait berner et n'avait pas su détecter au premier coup d'oeil un sorcier noir.

De ce point de vue, l'enquête des deux magiciens fut riche d'enseignements; tous deux passèrent au crible les appartements de Rozgor ainsi que sa cache et leur conclusion fut sans appel : le jeune enseignant était un sorcier noir appartenant à la secte des Darka. Il s'agissait d'un clan mystérieux que les sorciers du Roi cherchaient à éradiquer depuis des décennies. Personne ne savait où ils se cachaient mais, leurs attaques étaient souvent spectaculaires et meurtrières et, toutes les tentatives pour les arrêter de façon définitive avaient été des échecs complets; les rares fois où des sorciers de ce clan avaient été capturés, ils avaient toujours réussi à mettre fin à leurs jours avant d'être interrogés. Les magiciens du Roi avaient demandé à Archibald l'autorisation d'emporter certains livres et manuscrits dissimulés dans la cache de Rozgor. Ils espéraient ainsi en apprendre un peu plus sur les Darka; en échange, ils laissèrent à Archibald une copie de leur rapport.

- Je crains que nous n'ayons à faire à une nouvelle forme de menace, avait dit le plus jeune des deux sorciers du Roi, une ride d'inquiétude barrant son front.

Et lorsque le vieux directeur avait lut les lignes couchées sur le parchemin, l'angoisse ne l'avait pas quitté avant de nombreuses heures.

Revenu aux affaires courantes de l'Académie, Maître Archibald sentit une nouvelle fois le poids de ses responsabilités sur ses vieilles épaules : en compulsant les différents rapports qui s'étaient entassés sur son bureau, il comprit à quel point l'Académie de Magie avait souffert de l'attaque des sorciers noirs.

Si les dégâts matériels étaient au final peu nombreux mais conséquents le bilan humain, lui, s'alourdissait de plus en plus : le plus grande partie des morts se trouvait parmi les étudiants de Rozgor. Des écrits trouvés dans une des chambres prouvaient que l'enseignant de sortilèges avaient peu à peu converti à sa diabolique pratique de la sorcellerie certaines éléments prometteurs et que l'attaque qui avait eu lieu avait été soigneusement orchestrée. Il avait tout planifié dans un seul but : s'emparer du Livre des Mystères et de ses innombrables connaissances en semant le chaos au sein de l'Académie. D'après ce qu'il avait raconté à ses disciples, il se croyait l'héritier d'une vieille prophétie.

L'effondrement d'un plafond avait causé la mort d'une dizaine de personnes travaillant à l'entretien des locaux et, quelques étudiants de Troisième, Septième et Huitième Année étaient à l'infirmerie de secours dans un état grave. Rozgor et ses sbires avaient prévu dans leur projet de faire un maximum de victimes : deux des acolytes du sorcier noir avaient ainsi mené une expédition punitive à l'infirmerie afin de décimer l'équipe médicale. Mais, c'était sans compter sur Efylia : la jeune femme, aidée par ses plus proches collaboratrices, avaient combattu tout en gérant l'évacuation des malades.

Les sorciers ayant aussi détruits nombre de remèdes, Archibald se félicita intérieurement d'avoir autorisé la jeune sorcière à installer dans les sous-sols une infirmerie de secours. En revanche, il fallait compter au nombre des morts Bréna. La sorcière, enseignante en Magie de la Glace, avait succombé sous les attaques de Rozgor. Et Dhéjiane. Les parents de la jeune femme arrivaient le lendemain; elle était fille unique, sa mère était ravagée. A côté de ce drame, ses propres blessures étaient dérisoires : Efylia avait proposé au vieux directeur de soigner ses imposantes brûlures mais il avait refusé, il ne voulait jamais oublier le drame qui s'était produit au sein de son Académie.


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La semaine suivante eurent lieu les obsèques de Dhéjiane et de Bréna. La cérémonie fut sobre : Archibald, vêtu de ses robes blanches à liseré d'or et brodées de runes symboles de son rang de directeur, rendit un vibrant hommages aux deux jeune sorcières, louant leur courage et leur sens de la camaraderie.

Il s'engagea solennellement devant la nombreuse assemblée qu'un drame d'une telle ampleur ne se reproduise jamais. Le Roi, venu pour l'occasion, alla dans ce sens en réaffirmant que ses propres sorciers seraient toujours à disposition pour prêter main forte au directeur de l'Académie. Les parents de Dhéjiane étaient au premier rang, inconsolables. De savoir que leur fille seraient inhumée dans la cour d'honneur de l'Académie ne leur apportait aucun réconfort.

En rentrant dans ses appartements ce soir-là, Archibald se sentit vieux de plusieurs siècles. Derrière ses paupières closes, il revoyait la mère de Dhéjiane le remercier pour les moments heureux que sa fille avait passé à l'Académie; le père de la jeune femme, sorcier forgeron, avait été beaucoup plus pragmatique en le remerciant d'avoir débarrassé le monde des sorciers d'une telle engeance.

Mais, encore une fois, rien de tout cela n'apportait de consolation à Archibald. Sur son bureau trônait encore les conclusions de l'enquête menée par les sorciers du Roi : Rozgor avait menti sur tout le concernant. Rien de ce qu'il avait raconté sur sa vie, et plus inquiétant, sur ses études n'était vrai. La vérité était donc que Archibald avait laissé, pendant près de trois ans, un sombre inconnu enseigner au sein de l'Académie. Cette terrible constatation avait semé le doute dans son esprit : et si d'autres enseignants étaient aussi des sorciers noirs ?

Le vieil homme secoua la tête. Il ne pouvait pas revenir sur ce qui s'était produit et devenir paranoïaque n'apporterait rien de bon non plus ; en revanche, il pouvait faire en sorte que cela ne se reproduise plus.

Gagnant son bureau, il y prit son vieux grimoire, indemne en dépit des évènements. L'observant, Archibald se demanda si les sorts qu'il contenait valaient tant de vies innocentes. Inspirant lentement, le directeur prit sa décision. Posant le livre à même le sol, Archibald fit apparaître une dague. S'entaillant la paume gauche, il dessina une figure géométrique complexe en marmonnant des mots de pouvoir. Quand il eut fini, il dit à voix haute :

- Par la Magie, que s'exécute ma volonté !

Un instant, le dessin brilla avant de disparaître avec un bruit sec, emportant le Livre avec lui. C'était un déchirement mais Archibald savait qu'il avait fait le bon choix. Si Rozgor appartenait à la secte de Darka, il était probable qu'il avait averti les siens de sa découverte. D'autres sorciers noirs étaient peut-être déjà en quête du grimoire. Mieux valait faire de lui une légende, pour le bien de tous.

En s'endormant cette nuit-là, Archibald aurait aimé faire disparaître la tragédie vécue par l'Académie. Il espérait simplement que le Livre, là où il se trouvait à présent, serait à l'abri des convoitises. Il eut pourtant la certitude qu'avant que ne s'éteigne sa vie qu'il reverrait son vieil ouvrage.


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