Le livre des mystères - Prologue
Il était une fois
Jadis, à une époque si lointaine que seuls les livres sont capables de se remémorer, naquit la Magie. Elle choisit pour s'installer le doux pays d'Alynéa qui devint une terre verdoyante et généreuse. Ses habitants devinrent au fil des siècles de grands sorciers, de puissants magiciens, de bons rebouteux voir même d'excellents herboristes (car il n'y a pas de sot métier). Seule la profession de voyant n'avait pas bonne image : comme on l'enseignait à l'Académie de Magie de Paraphe, y avait-il besoin d'un quelconque talent pour interpréter le sens du vent ? On se méfiait aussi beaucoup des tireurs de cartes, considérés comme des charlatans. Bref, en à peine trois cents ans, Alynéa comptait déjà tant d'habitants de talent qu'il fut décidé de créer des écoles afin d'encadrer au mieux la pratique et la formation des jeunes pour pouvoir limiter le risque d'accidents graves : en quelques dizaines d'années, la région des Marais de la Verpillère comptait un nombre dramatiquement élevé de crapauds et un nombre conséquent de filles à marier.
Ainsi furent mises en place des écoles d'apprentissage qui permirent de repérer les éléments les plus talentueux. Ces derniers étaient alors envoyés à l'Académie de Magie de Paraphe (jolie et paisible capitale du délicieux pays d'Alynéa) afin d'y parfaire leur formation et de mettre leurs pouvoirs au service de tous. Au sein du brillant collège des professeurs on trouvait Archibald, enseignant spécialisé en magie lunaire. Passionné par son art, comme devait l'être tout bon pédagogue, le jeune homme avait une curiosité insatiable. Il se mit en tête d'écrire le premier recueil de formules magiques de l'histoire. Bien des magiciens s'y étaient essayés avant lui mais, la plupart des livres existants étaient incomplets et certains sorts, comme ceux des Invocateurs (caste prestigieuse et redoutée) étaient mieux gardés que le Palais du Roi.
Néanmoins, rien ne rebuta le jeune Archibald. Sa quête le mena vers des contrées lointaines et des terres inexplorées, on racontait qu'il avait franchi les redoutables fleuves du Trésor et du Pactole où il avait fait de formidables rencontres. On murmurait dans les couloirs qu'il avait même combattu les dragons de la Terre de Feu, ce qui lui avait permis d'obtenir l'invocation du Feu d'Athanor de la bouche de l'Esprit lui-même, impressionné par sa bravoure.
Après quarante longues années de recherche, le jeune homme, devenu sage, avait rassemblé au sein d'un beau grimoire tant de formules magiques et de sortilèges que ses confrères lui disaient qu'il aurait pu devenir le maître du monde. Archibald répondait par un sourire : seul la conquête du savoir l'intéressait. Son intuition lui disait qu'un jour son ouvrage aurait de l'importance (et qu'il serait peut-être un gros succès d'édition dans une version expurgée, ce qui lui assurerait une retraite confortable).
